Lintot
Petit village rural du Pays de Caux, situé au centre du territoire de la commune et traversé en diagonale par la voie romaine menant de Lillebonne à Fécamp.
Les communes limitrophes sont : Beuzevillette, Trouville, Grand-Camp, Port-Jérôme-sur-Seine, La Fresnaye, La Trinité-du-Mont, Gruchet-la-Valasse.
Héraldique
Les armes de la commune se blasonnent ainsi : D’argent au chevron d’azur chargé d’une merlette d’or, accompagnée en chef de deux léopards de gueules et en pointe d’un aigle aussi d’azur.
Hydrographie
Le territoire est traversé par la rivière de Lillebonne.
Toponymie
Le nom de la localité est attesté sous sa forme actuelle dès 1143.
De topt = domaine rural et lind = tilleul, d'où le village des tilleuls.
Histoire
La Haie de Lintot est mentionnée en 1143, date à laquelle elle est donnée à l'abbaye du Valasse (1) (photo de droite). Ce parc de chasse comprend encore au XVIIIème siècle plus de deux lieues en terre et bois.
L'église Saint-Samson est mentionnée en 1225.
Lintot, plein fief de haubert (2), est le centre de rassemblement de la communauté protestante de cette partie du Pays de Caux. Ses fiefs : Le château, La Haie de Lintot (le parc) et La Moissonnière relèvent directement du roi (aveux en 1484).
Les seigneurs et gens de la noblesse
Fief de Lintot, en sont seigneurs :
Jean Godefroy de Lintot (+1456) ; Guillaume d'Erneville (né en 1410) époux de Pernelle de La Haye, dame de Lintot ; Louis d'Erneville (né en 1435), chevalier, seigneur de Lintot et la Moissonnière ; Jeanne d'Erneville (née en 1470) dame de Lintot, Frémont et La Moissonnière, épouse de Thomas de La Haye (1455/1538) maréchal des Logis du roi Charles VIII ; Jacques de La Haye (1520/1584, son livre d'heure à gauche) époux en 1540 de Jeanne Le Goupil du Mesnildot ; Pierre de La Haye (1542/1604) écuyer, époux en 1567 de Geneviève Puchot, il embrasse la Réforme Protestante ; Pierre de Hellenvillier, seigneur de Lintot en partie et du Busc ; Claude de Hellenvillier en 1575 ; Jean de Suzanne en 1603 ; Isaac de La Haye (1581/1639), fils de Pierre (précédent), gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi, époux en 1605 de Françoise de Thiboutot, il fait reconstruire le château ; Charles de La Haye (1618/1657) chevalier, époux de Madeleine de Crény ; Nicolas de La Haye (1645/1681), frère du précédent, chevalier, époux de Marguerite Le Prévost, est seigneur de Lintot et de Frémont en 1675 ; Aymar de la Mare, en 1675 est seigneur de Lintot en partie et propriétaire de la ferme de la Mare qu’il vend à la Famille le Boullenger et qui passe par héritage à Charles Lecoq de Villeray ; Marie de La Haye, soeur de Charles et Nicolas de La Haye (précédents), épouse en 1677 René Charles de Macon (+1740) chevalier.
Fief de Frémont, en sont seigneurs :
Pierre Le Mercier tient le fief en 1503 ; Guillaume de Frémont (+1567) qui en rend aveu en 1551 ; Jean de Frémont (+1567), écuyer, avocat au Parlement de Rouen, époux d'Isabeau Le Cordier en 1534 qui renonce à la succession de son père par acte de 1557 ; Robert de Frémont (+1598), écuyer, premier huissier de la Chambre des Comptes de Normandie, époux en 1570 de Marguerite Jehan, rend aveu au seigneur de Lintot, Claude de Hellenvillier, pour le huitième de fief noble de Frémont en 1575 ; Michel de Frémont, premier huissier du roi en sa Chambre des Comptes de Normandie, rend aveu en 1603 à noble homme Jean Suzanne, seigneur de Lintot, pour le huitième de fief noble de Frémont ; Jacques de Frémont (+1648), frère du précédent, écuyer, époux en 1613 de Marie Baduel (+1666) ; Nicolas de Frémont (1622/1696), écuyer, marquis de Rozay, trésorier général des finances, grand audiencier de France en 1674, époux en 1648 d’Isabeau Catelan et en 1655 de Geneviève Damond,.cède par échange en 1675 à Nicolas de La Haye, seigneur de Lintot, le huitième de fief noble de Frémont.
Patrimoine
L'église Saint-Samson
Bâtie dans la première moitié du XIIème siècle, elle est mentionnée dans les écrits pour la première fois en 1225.
En 1531, Nicolas Leroux, curé de Lintot, fait restaurer l'église et le presbytère. Les baies de la nef sont percées au XVIème siècle et au XVIIème siècle. En 1829 un devis est présenté pour réparation de la charpente et pour des travaux de maçonnerie, menuiserie et vitrerie, les arcades de la croisée sont mutilées.
En 1836, la flèche est frappée par la foudre et est réparée. En 1862 des travaux sont effectués aux croisées du chœur. En 1896, l’église est réparée. En 1850, deux verrières disparaissent. En 1860, une cloche est fondue.
Le plan de l’église est en croix latine à 1 vaisseau, elle est couverte en ardoise. Le clocher et le chœur sont inscrits au titre des Monuments Historiques en 1926.
Le château
Il est construit au XVIème siècle et vraisemblablement détruit pendant les Guerres de Religion (Pierre de La Haye ayant embrassé la Réforme). Il subsiste une porte du logis d’origine.
Il est reconstruit au début du XVIIème siècle pour Isaac de La Haye.
Le château comporte une maison de ferme du XVIIème siècle. A l'entrée de ce corps de ferme s'élève un porche monumental en pierre à l'ouverture demi-sphérique qui porte les armoiries d'Isaac de Lintot et Françoise de Thiboutot (photo ci-contre).Le portail est en pierre de taille calcaire et le logis en brique et pierre. La grange, en assises alternées de silex et brique et plan de bois, avec abri à manège couvert en chaume, est construite au milieu du XIXème siècle. En 1822, un colombier, représenté sur le plan cadastral est détruit.
L’ensemble est caractérisé par ses pans de bois, son talus planté et son étang.
Le manoir de Frémont
Le huitième de fief de Frémont, relevant du plein fief de Lintot, est mentionné en 1503. Le logis est construit au XVIème siècle et remanié au cours du XXème siècle. La lucarne de l'escalier à vis, la demi-croupe débordante et la couverture en chaume sont supprimées. Un jardin potager, la mare, la charreterie et la grange figurent sur le cadastre de 1822.
Une grange à manège et des étables en assises alternées de silex et de brique sont construits au milieu du XIXème siècle.
Les maisons anciennes.
- une au lieu-dit La Fosse à Perroquets date de 1811 ;
- une autre dans le village, est construite au XVIIème siècle sur encorbellement et est remaniée au XIXème siècle.
La ferme du lieu-dit La Fosse à Perroquets,
Elle est construite au XVIème siècle. Le logis a conservé une cheminée de cette époque. Elle est reconstruite à la fin du XVIIIème siècle et les baies sont agrandies.
La ferme de la Mare, au lieu-dit Les Mares
Elle est bâtie au XVIIème siècle. En 1675, le seigneur Aymar de la Mare en est propriétaire. Il la vend en 1702 à Robert le Boullenger. Elle passe par héritage à Charles Lecoq de Villeray, qui fonde en 1729 une manufacture de faïence de Rouen dans le faubourg Saint Sever à Rouen. En 1866, la présence dans le logis d'une salle recouverte de faïence de Rouen est mentionnée (pavage, cheminée, revêtement de mur). Ce logis est aujourd'hui très remanié, le décor en a été dispersé. Les dépendances agricoles, visibles sur le cadastre de 1822 ont été détruites.
La ferme du lieu-dit Huchamptot
Le logis et l'étable en pan de bois ainsi que la charretterie en charpente sont construits au XVIIIème siècle, la grange en silex et brique au XIXème siècle. La couverture en chaume existe encore en 1971 mais a aujourd’hui disparu.
La ferme du lieu-dit L’Epine
Les étables en assises alternées de brique et de silex avec surcroît en pan de bois et chambre haute sur poteau ainsi que la grange en pan de bois essenté de planche datent du XVIIIème siècle, le logis en brique actuel date de la seconde moitié du XIXème siècle. Le puits couvert en charpente et le jardin potager figurant sur le plan cadastral de 1826 sont aujourd’hui détruits.
Le temple
Il est attesté à Lintot depuis 1578. Le culte protestant est célébré par le pasteur Vallandry, puis par les pasteurs du temple de Montrcriquet. En 1595, le seigneur Pierre de la Haye (1542/1604) crée un prêche dans son manoir. En 1623, les protestants de Lintot achètent une grange, qu'ils transportent sur une pièce de terre donnée par le seigneur, pour édifier un prêche en remplacement de celui de son manoir. En 1639, un arrêt du Conseil interdit le temple de Montrcriquet, qui est détruit en 1659. Est alors construit à la place de la grange un temple mais, suite aux contestations de la communauté catholique du village et de la révocation de l'Edit de Nantes par le roi Louis XIV (1638/1715) en 1685, un arrêt du Parlement de Normandie condamne le temple dont la porte est murée.
Le bâtiment n'est pas détruit, il est transformé en 1702 en logis de ferme, accompagnée de bâtiments agricoles. Une grange à manège y est construite au milieu du XIXème siècle.
Le manoir, presbytère
Le presbytère est construit au XVIIème siècle, en calcaire, silex et brique, avec un étage en pan de bois, adossé à un manoir médiéval du XIIIème siècle en calcaire et silex.
L'ensemble fait l'objet en 1792 d'une campagne de restauration, concernant les élévations extérieures et le décor intérieur, l'écurie, le portail, la barrière entre le bucher et le jardin potager, le puits.
La mairie-école est construite à la fin du XIXème siècle sur un plan symétrique en L à un étage et couverte en ardoise.
Le puits est du XVIème siècle.
La forge artisanale du maréchal-ferrant est du XIXème siècle.
La croix de cimetière en ferronnerie date du XVIème siècle.
Personnalités liées à la commune
Isaac de Larrey (1638/1719, portrait de droite) sieur de Grandchamp et de Courménil, né à Lintot, est un historien français.
De parents calvinistes, il est protestant, et pour exercer librement ses croyances religieuses, il s'exile en Hollande après la révocation de l'Edit de Nantes. Ses travaux historiques lui valent le titre d'historiographe des États Généraux.
L'électeur de Brandebourg, Frédéric Guillaume de Brandebourg (1620/1688), duc de Prusse de 1640 à 1688, lui offre le titre de conseiller aulique (Conseil de la Cour) et l’attire à Berlin. Il y meurt.
Jean Godefroy (1607/1678, portrait de gauche), sieur de Lintot, interprète, fils de Pierre Godefroy, écuyer, et de Perrette Cavelier de Lintot, époux en 1636 de Marie Leneuf. Il émigre en Nouvelle-France (Québec) vers 1626 et sert en qualité d’interprète sous Samuel de Champlain (1574/1635) navigateur, cartographe, soldat, explorateur, géographe, commandant et auteur de récits de voyage français qui fonde la ville de Québec en 1608.
Après la prise de Québec par les frères Kirke (David, Lewis, Thomas, John et James) en 1629, il demeure au pays, vivant dans les bois avec les Indiens. Peu après le retour des Français, il s’installe à Trois-Rivières en même temps que le Sieur de Laviolette, fondateur de la ville. Il y reçoit une seigneurie en 1637. En 1636, il épouse Marie Leneuf de Caen qui s’installe à Trois-Rivières avec lui.
De ce mariage naissent, entre 1637 et 1658, 11 enfants dont 8 garçons qui s’illustrent presque tous au service de la Nouvelle-France.
Dès 1646, il est, avec son parent Jean Paul Godefroy, membre de la Communauté des Habitants.
Devenu seigneur-colonisateur, l’ancien interprète s’intéresse au défrichement, sans négliger le commerce des fourrures. Cependant sa participation à cette traite et l’exploitation de sa seigneurie ne l’enrichit pas. En 1672, le gouverneur Louis de Buade de Frontenac (1622/1698) le recommande à la générosité du roi Louis XIV (1638/1715) : « l’un des premiers qui soient venus en ce pays [...], chargé d’une très grande famille, ayant plusieurs filles et six garçons qui sont tous gens de cœur et les premiers prêts à aller à toutes les expéditions [...], n’y ayant point de meilleurs canoteurs dans tout le pays [...], le sieur Godefroy n’est pas trop accommodé dans ses affaires, ayant une fille qu’il ne peut marier, faute d’avoir de quoi lui donner ». Le roi reste sourd à cette requête.
En 1718, le roi Louis XV (1710/1774) reconnait officiellement à la Famille Godefroy ses quartiers de noblesse.
Jean Godefroy et Marie Leneuf sont les ancêtres des Godefroy de Tonnancourt du Québec.
Evolution de la population
Le village compte 80 paroissiens en 1245.
Hameaux, faubourgs, quartiers, lieux dits et écarts
Hattentot - Huchamptot - L’Epine - La Fosse à Perroquets - La Grande Moissonnière - La Petite Moisssonnière - La Mare du Verre - La Mare Dupuis - Les Mares - La Pointe - Le Château - Les Faux Buissons - Les Côtes .
Mes ancêtres de Lintot …
Carte de Cassini
Notes :
(1) L'abbaye du Valasse est née de vœux croisés : Mathilde l'Emperesse (1102/1167), petite fille de mon ancêtre le duc de Normandie Guillaume dit le Conquérant (1027/1087), retenue captive à Oxford, fait le voeu de fonder une abbaye si elle parvient à s’échapper saine et sauve. Le comte Galéran IV de Meulan (1104/1166), au retour de la Seconde Croisade en 1149, pris dans une tempête à bord de son navire, fait lui aussi le voeu de fonder une abbaye s’il en réchappe sain et sauf. Sur les conseils de l’archevêque de Rouen, Hugues III d'Amiens (+1164), tous deux unissent leurs vœux et en 1156, le pape Nicolas Breakspear dit Adrien IV (1100/1159) consacre définitivement l’Abbaye du Valasse sous le nom de Notre-Dame-du-Vœu achevée en 1218.
(2) Un fief de haubert est en Normandie et en Bretagne, au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, un fief possédé à l'origine par un chevalier. Le détenteur de ce type de fief est soumis à l'origine de l'institution féodale d'être fait chevalier à l'âge de 21 ans ou au moment d'hériter de ce type de fief. Il doit se faire armer chevalier, avec cheval et épée et servir à l'ost de son seigneur avec le haubert, cotte de maille que seuls les chevaliers peuvent utiliser.
Sources
Sites et photo : Wikipedia, Clochers de France, Base Mérimée.
Livres/revues/documents : Le protestantisme dans le pays de Caux par Victor Madelaine - Paris : Fischbacher, 1906.
Mémoires inédits d’Isaac Dumont de Bostaquet 1632/1709, Ed. Paris Michel Lévy Frères, 1864.
Date de dernière mise à jour : 28/11/2021